Le Tour du Monde de Thomas

28 juillet 2007, mon tour du monde en stop et en solo vient de se terminer. 335 jours de voyage, 34 pays traversés, 41047 kms parcourus en stop (79068 avec les avions et les bateaux), 483 véhicules empruntés, des paysages, des rencontres et des souvenirs pour plusieurs vies...

Sylvain me dépose à l'entrée de l'autoroute pour Paris, je pars quelques minutes après avec un commercial travaillant pour une filiale de Bouygues BTP. Il me laisse sur la première aire de repos et je saute dans un 4x4 conduit par Hans, directeur d'une société d'emballage de viande à Saarbrücken. Il me pose de nombreuses questions sur mon périple - en allemand, c'est plus drôle - m'offre le déjeuner et propose de me déposer devant l'appartement parisien de mes parents. Le GPS égrène les derniers kilomètres : 50km - 10km - 2km - 300m, l'excitation monte. Il est 15h pile, ce 28 juillet 2007, mon tour du monde est fini. La boucle est bouclée, c'est la fin d'un rêve devenu réalité, je suis tout simplement heureux. La fin de ce blog aussi et de ce petit exercice d'écriture qui a permis de faire partager ce que je vivais et de tenir le coup dans les moments difficiles, grâce aux messages d'encouragement et de soutien des lecteurs. 335 jours de voyage, 41047kms parcourus en stop, 483 véhicules différents, 34 pays traversés, des paysages, des rencontres, des souvenirs, des galères...

Visite éclair de Münster à pied avec Jens. C'est une ville étudiante plutôt agréable où les vélos de type hollandais sont rois. Ville historique aussi où fut signé le traité de paix de la guerre de 30 ans (1618-1648) entre les différentes nations européennes. Jens me dépose sur une aire d'autoroute à la sortie de Münster. Je pars immédiatement pour Cologne puis Aachen. Un français me prend ensuite jusqu'à Liège en Belgique. Il est électricien dans les usines d'Airbus à Hambourg et est heureux de prendre quelques vacances, il a beaucoup de stress au boulot, à cause des retards de l'A380. Je négocie très mal le passage de Liège, la police belge me sors de l'autoroute et je rejoins finalement le Luxembourg grâce à un chauffeur polonais perdu sur des routes départementales avec son 38t, à cause ou grâce à son GPS facétieux. J'ai rendez-vous avec un ami, Sylvain, à Esch, au sud de Luxembourg mais je suis en retard de plus de trois heures et décide de le rejoindre directement à Metz. Un chauffeur russo-allemand m'y conduit, je lui serre chaleureusement la main au passage de la frontière française. Je retrouve Sylvain peu après. Nous nous sommes rencontrés à Grenoble, grâce à BEST. Il a depuis quitté son école d'informatique pour se consacrer à plein temps à l'entreprise qu'il a cofondé, Jamendo. C'est un portail pour découvrir de nouveaux groupes de musique et télécharger leurs chansons gratuitement et légalement. Ils espèrent devenir rentables rapidement sans quoi il faudra mettre d'ici deux ou trois ans la clef sous la porte. Belle aventure, je suis admiratif. Visite vespérale de Metz, fort jolie mais aussi désespérement morte pour un vendredi soir.

Je quitte Prague avec une boule dans la gorge, c'est la dernière ligne droite avant Paris. Mon objectif est Münster, à l'Ouest de l'Allemagne. Habituellement, pour me repérer lorsque je voyage, j'imprime des cartes trouvées sur Internet. Aujourd'hui, je n'en ai même pas, Prague-Münster c'est tout droit ou presque ! Cette ville étape n'est pas exactement sur ma route (joli détour d'au moins 300km) mais je tiens à revoir Jens, un ami rencontré au Moyen-Orient. Coup de chance monstrueux, je pars en camion après la frontière allemande avec Lukas, d'origine slovaque, qui se rend au Pays-Bas. Les banlieues lointaines de Nuremberg puis Frankfurt défilent. Nous discutons beaucoup, peut-être trop et finissons par tomber en panne d'essence sur l'autoroute, peu après Cologne. Je charie sans retenue Lukas, même si ce genre d'exploit est tout à fait à ma portée. La scène est cocasse, j'emmène mon conducteur en stop jusqu'à la prochaine station service et je trouve des français pour nous ramener avec nos jerricanes au camion. La nuit est tombée entre deux, je quitte Lukas près de Dusseldorf et continue avec Mark, un capitaine de péniche de 22 ans. A 1h du matin, je suis encore à 100km de Münster, une pluie fine tombe et le traffic est presque nul. J'appelle Jens pour lui annoncer que je n'y arriverai pas aujourd'hui et il décide aussitôt de venir ne récupérer. Arrivée sous des cataractes à Münster où un lit bien au chaud m'attend.

Nouvelle journée à arpenter les rues de Prague. Aujourd'hui le quartier juif, les jardins royaux, quelques rues intéressantes sur le plan architectural. C'est mon dernier arrêt touristique avant le retour à Paris et j'ai dû mal à réaliser que je vais poser définitivement mon sac dans trois jours. Drôle sentiment d'arriver au bout d'un rêve. L'enthousiasme pour les rencontres, les paysages est toujours intact, peut-être encore plus fort, pour les petits plaisirs de la vie quotidienne. Je suis resté profondément optimiste mais j'ai perdu pas mal d'illusions sur la nature humaine. Je m'efforce en permanence de voir les choses et les gens tels qu'ils sont et non tels que je souhaiterais qu'ils soient. J'ai pas mal relativisé aussi sur ma petite vie. Le point minuscule se déplaçant à la surface de la Terre pourrait disparaître que cela ne changerait pas grand chose au fond. "Voyager, c'est apprendre à mourir", disait Nicolas Bouvier. J'essaie de vivre au présent, de profiter de chaque seconde qui s'écoule. Sans négliger les projets : l'Allemagne l'année prochaine pour la fin des études, l'entrée dans le monde du travail ensuite. D'autres voyages aussi sûrement, c'est un virus dont on ne se débarasse pas aussi facilement.

Je quitte mon lit douillet de bon matin et trouve une auberge de jeunesse près du centre de Prague. Visite ensuite de cette capitale magique : le pont Charles, la place Venceslas, la ruelle d'or, la cathédrale Saint Guy, le château. Retour en soirée à l'hôtel, épuisé. Je rencontre Peter, un anglais travaillant à Dubaï comme graphiste. Il est simple, sympa, a toujours un mot pour rire et je fête mes 23 ans en sa compagnie, autour d'un plat de riavolis locaux et de Pilsner, la bière nationale.

Visite rapide du centre de Gliwice puis je pars en début d'après-midi pour Prague.  J'ai beaucoup de chance, une voiture m'emmène directement à Wroclaw. Ces premiers 150 kilomètres passeront trop vite, perdu dans le décolleté généreux d'une jolie étudiante polonaise en philosophie, à disserter sur la vie. Une heure d'attente ensuite dans une station essence à Wroclaw, avec deux autres auto-stoppeurs. Nous nous "partageons" les voitures et nous partirons simultanément, moi pour la République Tchèque, eux pour l'Allemagne. La route pour rejoindre Prague traverse les Sudètes, des montagnes de moyenne altitude aux versants faiblement inclinés, drapés de brume, qui me donnent fortement envie de revenir marcher ici un jour. Le poste frontière se trouve à un col et je descends vers Prague avec Marcin, un chauffeur de camion polonais.  Il me dépose à une intersection où le stop n'est pas évident. La nuit approche, je me donne 15 minutes avant de me tourner vers l'option bivouac. Ladosz, professeur de mathémtiques à l'université, un peu bohème, s'arrête finalement et m'invite chez une amie - son amie en fait- francophone à Prague. Très gentille, elle m'offre le dîner et le logement pour la nuit.

Je quitte proprement Cracovie ce matin, grâce aux conseils de Pawel, le roi polonais de l'auto-stop. Un étudiant en économie me dépose dans la banlieue de Gliwice, une ville industrielle et universitaire, où Kamilla, une amie polonaise m'a invité. Elle fait aussi partie de BEST et le groupe de Gliwice accueille aujourd'hui même des participants de toute l'Europe pour un séminaire sur la danse. Je participe aux jeux en commun pour faire connaissance mais je n'ai vraiment pas le goût de festoyer. La fin du voyage me travaille beaucoup mentalement et j'ai sûrement déjà commencé à décompresser. Depuis que je suis en Europe, l'aventure est dans mon esprit terminée et j'appréhende un peu le retour à une vie plus réglée. Je pars me coucher de bonne heure, les rencontres, les paysages, les anecdotes défilent. Le mal de tête se fait de plus en plus atroce.

Réveil des lendemains de fête, ce n'est pas glorieux. Je pars revisiter Cracovie, c'est une ville que j'aime beaucoup.  Il y a la place du marché, l'une des plus grandes d'Europe, avec son Eglise Sainte Marie, un peu trop baroque à mon goût. De nombreuses autres églises intéressantes, l'université jagellonne qui a accueilli notamment Copernic et Jean Paul II. Et puis le château royal sur la colline Wawel, centre politique historique de la Pologne. En soirée, Pawel, un polonais travaillant à l'auberge m'emmène moi et deux autres touristes canadien et australien à Kazimierz, le quartier juif de Cracovie. Il fut complètement vidé de sa population lors de la Seconde Guerre Mondiale (Auschwitz n'était pas loin) mais redevient actuellement un quartier à la mode, alternatif, artiste, un peu le Brooklyn de Cracovie. Plusieurs pubs sont installés dans d'anciennes maisons juives avec la décoration intèrieure originale de l'entre deux guerres, l'éclairage à la bougie etc. Une seule boisson ce soir dans mon verre : de l'eau pure.

Maciej me grave quelques CDs de musique qu'il a composé puis me dépose sur la route de Cracovie. Un camion et une voiture plus tard, je suis dans le centre de l'ancienne capitale polonaise. Je trouve au hasard une auberge de jeunesse qui vient tout juste d'ouvrir. Elle est presque vide car pas encore référencée dans les guides touristiques mais c'est propre, pas cher et l'accueil est chaleureux. Rencontre avec Pierre et Mathieu, étudiants à l'X et en médecine. Ils se rendent à Istanbul avec un passe Interrail et visitent les grandes villes européennes sur la route. Nous sympatisons et entamons la soirée avec une première bouteille de vodka Gorska (couleur orange, la meilleure !). La deuxieme finira de nous achever, nous errerons une partie de la soirée entre les différentes boites de nuit de la place centrale du marché.